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C'est pas mon idée !

mardi 28 février 2017

Alerte sur la finance participative !?

UFC Que Choisir
Dans un contexte morose pour l'épargne, les taux d'intérêt atteignant des niveaux historiquement bas, la finance participative promet des rendements attractifs. Miroir aux alouettes ? L'association de défense des consommateurs UFC-Que Choisir dénonce des pratiques abusives dans le secteur. Mais est-elle vraiment objective ?

La question se pose immédiatement quand l'épais dossier [PDF] qu'elle consacre au sujet s'ouvre sur une citation d'un ancien directeur de la FSA (régulateur britannique du secteur financier) déclarant que les placements participatifs augurent d'une catastrophe à un horizon de 5 à 10 ans. Il semble extrêmement regrettable d'instruire ainsi le dossier à charge alors que la protection des consommateurs mériterait l'objectivité vis-à-vis d'entreprises jeunes, qui, certes, commettent des erreurs (jusqu'à la faute, pour certaines), mais, surtout, ont tout intérêt à conquérir la confiance de leurs futurs clients.

L'argumentaire critique développé par UFC-Que Choisir s'articule autour de 3 constats principaux, tirés (a priori) de l'observation de 337 opération de financement réalisées sur 6 plates-formes françaises : la sélection des dossiers proposés aux consommateurs serait opaque et sujette à caution, les rendements promis minimiseraient les risques de défaut et les sites de crowdfunding ne respecteraient pas leurs obligations légales. Tentons une analyse critique de ces différents points, effectivement inquiétants de prime abord…

Globalement, le cœur du « litige » engagé par l'association porte sur la dissimulation supposée des risques encourus par les apporteurs de fonds : des présentations beaucoup trop optimistes, des simulations de rendement ignorant les risques de perte, des estimations de taux de défaut sous-estimées… Qu'en est-il exactement ? Il m'est impossible ici de reprendre tous les reproches formulés un à un mais prenons quelques exemples illustratifs d'une subjectivité patente qui ne rend service à personne.

Souligner l'absence des publication légales de leurs comptes annuels par 8% des entreprises à financer peut-il être reproché aux plates-formes de crowdfunding alors qu'il s'agit d'un fléau de notre économie ? Reprendre les calculs de risque de défaut à partir de statistiques nationales en ignorant le retour d'expérience de la finance participative (et ses aspects responsabilisants) ? Propager l'idée que les entreprises demandeuses sont celles qui ne sont pas jugées fiables par leur banque ? Introduire la confusion entre le risque en capital et les retards de remboursement ? Pourquoi cet acharnement ?

La finance participative est jeune, elle n'est certainement pas (encore) parfaite. Il est possible que certains acteurs franchissent les limites : ceux-là ne résisteront pas aux cycles d'évolution naturels et il est normal de les sanctionner. Les autres (les plus nombreux ?) sont encore à la recherche de leur modèle économique et de la confiance de leurs clients : ils n'ont d'autre choix, pour ce faire, que de renforcer leur transparence (dont il est vrai qu'elle laisse souvent à désirer). Plutôt que de les stigmatiser avant même qu'ils n'atteignent la maturité, il serait plus constructif de les aider à s'améliorer !

UFC Que Choisir

lundi 27 février 2017

Quand le dinosaure se cache dans le progiciel

Gartner
À l'ère de l'ouverture (des données et des API), les entreprises ont déjà fort à faire pour adapter leurs stratégies et profiter des nouvelles opportunités qui leur tendent les bras. Or, après une sombre histoire de licences logicielles récemment jugée au Royaume-Uni, un obstacle supplémentaire risque maintenant de se dresser sur leur route…

Elle semble sortie d'un autre temps, dans toute sa banalité, mais l'histoire date de seulement quelques jours. Tout commence quand Diageo, un distributeur de spiritueux, crée des applications à destination de ses clients, s'appuyant sur des données issues de ses systèmes SAP (dont l'entreprise utilise quasiment toute la suite de produits), par l'intermédiaire des API exposées par ceux-ci. Ce que découvrant, l'éditeur exige le paiement d'une redevance pour chaque utilisateur individuel des dites applications !

Ce genre de tactique constitue presque une tradition pour SAP (et beaucoup de ses concurrents), à la recherche de nouvelles sources de profits (sans investissement, sans rien développer et sans apporter de valeur ajoutée additionnelle), surtout quand les temps sont difficiles. Du point de vue de Diageo, la position de son fournisseur revient pourtant à lui dire : vos données sont prisonnières de mes outils, vous ne pouvez y accéder que moyennant le règlement d'une « taxe » s'ajoutant à vos licences existantes.

Loin d'être théorique, le débat prend une dimension véritablement inquiétante lorsqu'on découvre que la haute cour d'Angleterre et du Pays de Galles à retenu les arguments de SAP et a donc confirmé la facture de plus de 54 millions de livres due par Diageo. En réponse, on peut, comme le suggère l'analyste de Gartner qui aborde le sujet, s'émouvoir de l'incapacité des juges à comprendre tous les enjeux de leur décision ou inciter les entreprises à prendre des précautions avec leurs contrats. On peut aussi voir plus loin.

Le fond du problème dans cette affaire est la vision dépassée de SAP vis-à-vis de son métier. Comme les acteurs d'autres secteurs, l'éditeur s'endort dans un modèle historique dont la rentabilité se maintient, bon an mal an, même s'il faut la stimuler de temps en temps. Ce confort l'empêche de voir les changements qui se produisent autour de lui. Son aveuglement le rend arrogant alors qu'il devrait aujourd'hui se pencher sérieusement sur les besoins de ses clients afin de rester pertinent. À défaut, en prenant une analogie avec des exemples passés dans d'autres domaines, son destin sera de disparaître.

En conséquence, si la stratégie agressive de SAP ne suffit pas à faire fuir ses utilisateurs (ce dont un long passif de conflits similaires peut laisser douter), ces derniers devraient tout de même s'inquiéter de la pérennité à long terme d'un fournisseur souvent essentiel à la gestion de leur activité. Sa chute ne sera peut-être pas très rapide, mais il n'est pas inutile, au vu de l'ampleur de son impact potentiel, de se poser des questions maintenant plutôt que d'attendre une lente agonie, dont les clients pâtiront inévitablement.

En synthèse, pour exprimer mon analyse en termes plus concrets, les clients de SAP (et de nombre d'autres mastodontes du progiciel) devraient s'interroger : peuvent-ils continuer à confier une composante clé de leur activité à un éditeur visiblement incapable de comprendre que, pour une entreprise en 2017, ouvrir des API sur le monde extérieur n'est plus une option et ne peut en aucun cas justifier une facture de plusieurs dizaines de millions ? Partant, il restera à définir et mettre en place un plan d'action…

SAP

dimanche 26 février 2017

Crealogix présente le PFM en réalité virtuelle

Crealogix
En attendant la démocratisation promise par les analystes dans les quelques années à venir, la réalité virtuelle s'impose peu à peu comme un média à prendre en compte. À l'occasion de la conférence FinovateEurope 2017, l'éditeur suisse Crealogix présentait une des premières solutions dédiées de gestion de finances personnelles.

S'inspirant des jeux qui constituent aujourd'hui la majorité des applications développées pour la réalité virtuelle, « The ARCs » tente de mettre à profit l'expérience immersive de cette technologie pour permettre au consommateur de concilier une indispensable approche cartésienne de l'argent avec une perspective plus émotionnelle et créative, destinée à la fois à stimuler son engagement avec un sujet rébarbatif par essence et à accompagner une tendance naturelle à l'irrationnel face aux questions financières.

En pratique, la démonstration de Crealogix reprend d'abord l'essentiel des thèmes traditionnels du PFM, entre catégorisation automatique des opérations et suivi du budget au fil du temps. Déjà à ce stade, l'exploitation de l'« espace » offert par l'environnement virtuel montre ses bénéfices : l'utilisateur peut véritablement « embrasser » l'ensemble de ses finances personnelles en une vue unique et tous les éléments s'agencent et s'organisent les uns par rapport aux autres, de manière dynamique et intuitive.

Crealogix The ARCs

La présentation extrêmement graphique (les chiffres ne sont accessibles que sur demande) permet d'enrichir l'information délivrée. Le logiciel introduit ainsi une dimension prédictive omniprésente, quasiment inimaginable dans une application mobile classique : non seulement le suivi du budget propose-t-il un vision globale de la situation sur les 3 prochains mois, mais une projection des dépenses individuelles est-elle également intégrée, procurant de la sorte à l'utilisateur un contrôle plus fin sur l'avenir.

Dans un registre plus original, le concept est poussé un cran plus loin avec un mécanisme de scénarios hypothétiques. Celui-ci propose de choisir un projet parmi une liste prédéfinie (préparer un grand voyage, devenir parent, acheter une voiture…), son impact sur le budget existant étant alors immédiatement reflété, de manière à faciliter la prise de décision. Le système est même capable de proposer spontanément un investissement adapté aux préférences de la personne (dans un fonds « vert », dans la démonstration) dès que les disponibilités sur le compte courant semblent suffisantes.

Comme le souligne Crealogix, la réalité virtuelle n'a pas vocation à prendre la place des services en ligne ou des applications mobiles. Cependant, les nouvelles possibilités qu'elle offre devraient inciter les banques à explorer son potentiel. Après tout, le PFM a jusqu'à maintenant vu son adoption limitée (au moins sur le long terme) et il reste donc à trouver les solutions qui le rendront réellement indispensable aux consommateurs. En la matière, « The ARCs » est un premier essai, il n'est pas la fin de l'histoire…

samedi 25 février 2017

L'étrange plan de sauvetage de RBS

RBS
Huit ans après sa nationalisation, le groupe britannique RBS continue à accumuler les pertes, tout en échouant à remplir les conditions que lui avaient fixées les autorités européennes en contrepartie de son sauvetage par le gouvernement de sa Majesté. Ce dernier propose maintenant une autre approche, pour le moins originale…

Sur les 5 obligations imposées à RBS lors des négociations avec le commissaire européen à la concurrence en 2009 et en 2014, il en reste une qui n'a pas été remplie, dont l'échéance arrive à la fin de cette année et qui paraît maintenant impossible à satisfaire (notamment en raison du Brexit, selon ses responsables) : la séparation et la cession d'une partie de l'activité de la banque, matérialisée aujourd'hui par un réseau de 307 agences rassemblées sous la marque Williams & Glyn.

Devant cette impasse, le chancelier de l'échiquier a concocté un plan radicalement différent. Celui-ci préserverait l'objectif initial de la mesure de stimuler la concurrence sur les services financiers au Royaume-Uni, mais il présenterait l'avantage d'être beaucoup mieux adapté aux enjeux du secteur en 2017 et en parfait alignement avec la stratégie actuelle du gouvernement. Il s'agirait en effet de favoriser directement et concrètement le développement des banques « challengers », dont les startups de la FinTech.

En pratique, la formule retenue comprendrait 4 axes principaux : la mise en place d'un fonds indépendant affecté au financement des néo-banques pour l'extension de leurs services aux PME, une réserve destinée à soutenir les incitations aux entreprises à migrer leurs comptes vers les nouveaux entrants, la mise à disposition du réseau d'agences de RBS pour les opérations sur les espèces et les chèques des clients de ses petits concurrents et la création d'un fonds d'investissement dédié à la FinTech.

Le dispositif complet représenterait un coût de 750 millions de livres pour le groupe, qui l'a, d'ailleurs, déjà provisionné dans ses comptes de 2016. Et, pour résumer l'idée du gouvernement britannique, cette somme (conséquente) constituerait donc une contribution extraordinairement directe de RBS à la promotion de sa propre concurrence (jusqu'à pousser ses clients à la quitter pour les acteurs émergents !). Il faudra certainement instituer des contrôles sévères pour éviter toute dérive !

En tout état de cause, la détermination des autorités à faire de la Grande-Bretagne (et, surtout, de Londres) le paradis de la FinTech est plus forte que jamais et conduisent à des solutions aussi diverses qu'inédites. Outre la prise de conscience du besoin d'une concurrence locale plus vive, toutes ces démarches montrent aussi une volonté inébranlable de limiter les effets du Brexit sur un secteur extrêmement important pour l'économie du pays. Les places européennes qui veulent s'emparer de son titre n'ont pourtant pas l'air de prendre la mesure des moyens engagés dans cette bataille vitale…

Information Williams & Glyn

vendredi 24 février 2017

La menace quantique pèse sur la cybersécurité

Atome
Comme si la cybercriminalité quotidienne ne suffisait pas à empêcher les spécialistes de la sécurité de dormir, les progrès rapides de l'informatique quantique feraient maintenant planer une sérieuse menace d'obsolescence sur les algorithmes de chiffrement modernes. Mais faut-il vraiment s'en inquiéter dès aujourd'hui ?

Même si la perspective paraît encore lointaine, les premiers ordinateurs quantiques opérationnels ne devant pas arriver sur le marché avant une dizaine d'années, elle présente un défi d'une telle ampleur que la tension monte parmi les experts. En effet, toute nos données sensibles – qu'elles soient au repos (stockées sur des supports chiffrés) ou en transit (échangées via des protocoles comme HTTPS) – sont protégées par des algorithmes incapables de résister aux capacités de ces futurs calculateurs.

Face à ce danger, les intervenants d'une table ronde consacrée à ce sujet lors de la récente conférence RSA délivrent un message rassurant : ne paniquez pas et n'agissez pas dans la précipitation. Plus précisément, ils conseillent d'abord d'attendre les conclusions d'un chantier lancé à la fin de l'année dernière par le NIST (l'institut américain en charge des standards technologiques), actuellement en phase d'appel à contributions, et qui devrait aboutir à une recommandation officielle dans les 5 ans.

Il n'en reste pas moins que, dans l'intervalle, il n'est probablement pas inutile de se préparer. Car, quelle que soit l'échéance à laquelle la menace se concrétisera, il est au moins deux certitudes incontournables à prendre en compte sans tarder. En premier lieu, les techniques de chiffrement en vigueur en 2017 devront impérativement être remplacées, à terme. Or, au vu des délais de retrait des algorithmes devenus obsolètes par le passé, mieux vaut s'accoutumer tout de suite à l'idée du changement à venir…

D'autre part, la promesse de l'arrivée de systèmes capables de percer un jour des secrets pour l'instant inviolables donne des idées à certaines organisations, qui capturent et collectent des masses de données chiffrées en imaginant qu'elles pourront en tirer de la valeur quand elles disposeront des moyens de les exploiter. Cette hypothèse ne devrait pas angoisser la plupart des entreprises, mais peut-être vaut-il mieux s'en assurer et prendre des précautions spécifiques vis-à-vis des éventuels risques résiduels.

Les experts ne manquent pas de souligner que, avant la généralisation des ordinateurs quantiques, une multitude d'autres menaces, bien réelles, pèsent déjà sur la société de l'information – entre erreurs d'implémentation des protocoles existants et défauts logiciels – et doivent constituer la priorité des professionnels de la sécurité. De leur côté, les chercheurs ont un extraordinaire challenge à relever, celui de créer les algorithmes de chiffrement résistants de demain et, beaucoup plus difficile, d'en valider la robustesse.

Effet Quantique

jeudi 23 février 2017

Une boussole pour l'innovation

Celent
Maintenant que la plupart des dirigeants d'entreprise sont convaincus de la nécessité d'innover, ils se posent de nouvelles questions : face au foisonnement de technologies émergentes, aux changements dans les comportements des clients, aux acteurs disruptifs, comment identifier les pistes les plus prometteuses et quels moyens faut-il leur consacrer ?

Rebondissant sur un événement intitulé « Lost in Innovation » organisé à Londres par le cabinet Celent, Jamie Macgregor, SVP, se penche sur ce sujet dans le contexte spécifique de l'assurance. Là comme dans les autres secteurs économiques, les défis ne manquent pas, entre internet des objets, intelligence artificielle, blockchain… du côté des stimulants technologiques, et vague de l'InsurTech, développement de l'économie collaborative, dérèglement climatique… en guise d'aiguillons du changement.

Intuitivement, il semble évident qu'il est impensable pour une compagnie d'assurance de lancer des expérimentations tous azimuts, avec des budgets et des ressources illimités. En revanche, il est tout aussi impossible de savoir par avance quelles directions sont susceptibles d'aboutir à des solutions gagnantes. En conséquence, tous les acteurs de l'innovation finissent toujours par affronter le même dilemme : trouver l'équilibre parfait entre la diversité des projets et la répartition des moyens (limités) disponibles.

En simplifiant un peu le propos, la solution réside dans une culture d'exploration. En surface, cela revient à confirmer qu'aucune possibilité ne doit être négligée. Au préalable, il faut cependant définir un cadre permettant de fixer des limites et éviter les dérives (de coûts, notamment). Dès lors, les hypothèses peuvent être testées rapidement, donnant lieu systématiquement à une collecte d'information et une analyse des résultats avant d'envisager une suite. Le réflexe le plus dangereux est de vouloir industrialiser un concept trop tôt, avant qu'il n'ait réellement fait ses preuves, de préférence sur le terrain.

Pour accompagner cette démarche, quelques conseils utiles méritent d'être rappelés. Outre l'injection de « sang frais » provenant d'horizons différents (dont il faudra néanmoins prendre soin de maintenir la motivation), le recours à des partenariats est à placer en tête de liste, car il offre une réponse facile à la pénurie de ressources internes (que ce soit en termes de disponibilité ou de compétences). La mesure de la valeur de l'innovation est un autre sujet critique : pourquoi ne pas passer du sacro-saint ROI, généralement inepte avec des idées d'avant-garde, à une notion de « perte acceptable », par exemple ?

Enfin, l'innovation requiert un indispensable regard critique sur ce qui est produit, avec une évaluation permanente (en cycles extrêmement courts), objective et transparente du bénéfice apporté au client, à partir d'informations fiables. C'est à cette condition qu'il deviendra possible d'écarter rapidement les concepts à la mode mais sans avenir et de placer les efforts (et les budgets) sur les projets ayant à la fois le plus de chances de réussite et le meilleur potentiel de disruption (et, un jour, de retour sur investissement !).

Boussole

mercredi 22 février 2017

Naissance d'une méga-néo-banque ?

SoFi
Les signes de l'imminence du troisième âge de la FinTech se précisent peu à peu. Ainsi, quand SoFi, une des rares licornes de la finance participative, acquiert Zenbanx, fournisseur de compte mobile multi-devises, la voie est ouverte à l'émergence d'une néo-banque géante prête à fondre sur les marchés protégés des institutions traditionnelles.

À l'origine, Social Finance (SoFi) a été conçue comme une plate-forme de crowdfunding spécialisée dans le refinancement de prêts étudiants. Elle s'est ensuite diversifiée, notamment dans le crédit à la consommation et le crédit hypothécaire ainsi que, sur le versant investissement de son modèle, l'assurance vie et la gestion de patrimoine. Et même si les 12 milliards de dollars prêtés qu'elle affiche à ce jour sont une goutte d'eau dans le secteur, elle doit son titre de licorne non seulement à sa valorisation mais aussi aux presque 2 milliards que lui ont apportés plusieurs investisseurs renommés.

Zenbanx, de son côté, a été fondée par le pionnier de la banque à distance en Amérique du Nord, sur l'idée de créer un compte multi-devises, pour les citoyens du monde, simple d'accès, toujours disponible et économique. Sans être elle-même détentrice d'une licence bancaire, la jeune pousse s'appuie sur les services de partenaires locaux (au Canada et aux États-Unis, où sa solution est actuellement disponible) pour offrir à ses clients un véritable compte courant (assuré) et non seulement une carte prépayée.

Avec cette fusion, SoFi veut donc étendre son emprise au-delà du crowdlending. Or, contrairement à quelques précédents, l'objectif visé ici n'est pas seulement de capitaliser sur une clientèle existante susceptible d'adopter des produits supplémentaires. L'ambition commune affichée par les deux partenaires est en effet de bâtir un autre modèle de services financiers, reposant sur une expérience client optimisée, accessible partout et à tout moment, et couvrant toute l'étendue des besoins des consommateurs.

En pratique, le rapprochement est particulièrement significatif à la fois parce qu'il permet à SoFi de proposer à ses clients une palette de produits qui la place de plus en plus en concurrence directe des banques traditionnelles et également par la possibilité d'extension qu'il laisse entrevoir sur son modèle économique. Même s'il s'agit d'un retour à un modèle classique, l'ajout de capacités de financement des prêts par les dépôts sur les comptes courants peut représenter un intéressant accélérateur de son activité, d'autant qu'il pourrait tout de même prendre une forme d'épargne originale.

La stratégie esquissée SoFi et Zenbanx est claire et ambitieuse. Elle dénote peut-être un excès de mégalomanie de la part d'un acteur courtisé par les investisseurs et dont les coffres sont bien (trop ?) remplis. Toujours est-il qu'elle représente probablement une tendance qui va s'affirmer progressivement dans les prochains mois et années et qui finira inéluctablement par peser sur les institutions financières qui restent imperturbablement convaincues que les startups ne peuvent survivre sans collaborer avec elles.

Mariage entre SoFi et Zenbanx

mardi 21 février 2017

Un plan d'action « digital » concret pour BPCE

BPCE
Yves Tyrode, « Chief Digital Officer », nous l'avait promis peu de temps après son arrivée, le plan d'action « digital » de BPCE est maintenant arrivé. Et, en comparaison des orientations ultra-génériques dont les banques ont l'habitude, celui-ci fait montre d'une certaine substance, de bon augure. Il ne reste plus qu'à en assurer la mise en œuvre…

S'adapter à l'évolution des comportements des consommateurs, faire face à l'émergence d'une nouvelle concurrence, prendre en compte l'accélération technologique… ce sont les défis qu'identifient toutes les institutions financières et, au-delà, les entreprises de tous les secteurs. Et le besoin de placer le client au centre des préoccupations, la nécessité d'adopter d'autres manières de travailler (dont le fameux « mode startup »), l'exigence d'efficacité opérationnelle… constituent leurs réponses standardisées.

Malheureusement, beaucoup évitent soigneusement d'expliquer comment elles comptent passer de ces généralités (banalités ?) à la pratique. C'est la principale raison pour laquelle la présentation du plan de BPCE surprend : sans être excessivement détaillée, elle dessine clairement les contours des multiples chantiers à entreprendre. Ainsi, non seulement la banque se fixe-t-elle une cible de transformation à partir des constats (universels) qu'elle dresse, elle précise également comment elle espère l'atteindre.

En filigrane, c'est encore un autre aspect de cette description qui retient le plus l'attention. Car si quelques solutions destinées aux clients sont bien présentes dans le panorama (après tout, il s'agit de faire évoluer la banque de proximité !), un accent particulier est mis aussi (peut-être même plus) sur les fondations, parmi lesquelles figurent, notamment, les moyens nécessaires au changement de culture interne et le socle technique capable de supporter la future banque « digitale », dans un écosystème étendu.

Transformation de la Banque de Proximité BPCE

La mutation commence par l'organisation de l'informatique. Schématisée par un modèle à 3 niveaux – cœur bancaire, plate-forme d'API et applications –, elle reprend l'approche bi-modale chère à Gartner. Dans cette logique, le socle de base a vocation à être industrialisé à l'extrême, ce qui se traduit par des efforts de mutualisation et de rationalisation, matérialisés par un plan spécifique d'excellence opérationnelle, visant à économiser 350 millions d'euros (part de l'IT, sur un total d'un milliard) sur 3 ans.

Le versant applicatif, quant à lui, sera pris en charge par une « digital factory » – plus agile, conçue pour des cycles de développement rapides –, qui devrait rassembler 1 000 personnes et qui bénéficiera d'investissements significatifs, à hauteur de 750 millions d'euros. Enfin, entre ces deux univers, le lien sera assuré par une couche généralisée d'API industrielles. Là se situe la réserve que j'émettrai sur le projet (et, plus généralement, sur la recommandation de Gartner). En effet, l'articulation entre les deux modes est extraordinairement délicate, et pas uniquement sur le plan technique.

À partir de cette architecture ré-agencée, de nouvelles opportunités pourront être captées. Ce sera le cas, par exemple, de l'ouverture des services financiers à des partenaires – startups en tête –, qui deviendra un axe fort de développement pour BPCE, avec non seulement la mise à disposition de ces capacités informatiques mais également des dispositifs complémentaires : offre bancaire adaptée, « startup act » pour assouplir les processus d'achats, accès aux clients du groupe pour des tests…

Vient ensuite le volet « culturel », c'est-à-dire l'indispensable accompagnement de l'ensemble des effectifs dans une nouvelle ère de la banque. Dans ce registre, l'équipement individuel (matériel et logiciel, via un AppStore privé), le renforcement des moyens de collaboration interne (dont le réseau social d'entreprise), la mise en place de campagnes de développement « digital » personnel… sont quelques-unes des actions concrètes qui seront lancées pour éviter tout effet d'isolation de la « digital factory ».

La route est désormais tracée et elle ne sera certainement pas de tout repos. Quoi qu'il en soit, les ambitions affichées par BPCE et les moyens qu'elle se donne pour les satisfaire sont manifestement à la hauteur des enjeux, autant par la dimension pharaonique des travaux qu'elle veut engager que par l'« extensivité » de leur périmètre (et encore n'ai-je pas ici abordé les projets pour Fidor ou pour les réseaux d'agences). Rendez-vous est donc pris dans un peu moins de 4 ans avec une nouvelle banque « digitale »…

lundi 20 février 2017

Un bac à sable industriel pour le Royaume-Uni

Innovate Finance
Depuis quelques mois, les « bacs à sable » réglementaires se sont multipliés, permettant à de jeunes pousses d'expérimenter leur produit sous un régime simplifié. Au Royaume-Uni, où cette idée est née, une version plus technologique du même concept est actuellement à l'étude afin, toujours, de favoriser l'innovation dans le secteur financier.

Le projet n'en est aujourd'hui qu'au stade de la consultation publique, initiée par l'association Innovate Finance – dont les membres comprennent plusieurs banques, quelques grandes entreprises informatiques et une liste impressionnante de startups de la FinTech – sous l'impulsion de la FCA, le régulateur britannique. Il est vrai qu'il est suffisamment ambitieux pour nécessiter un temps de réflexion préalable, ne serait-ce que pour valider la convergence d'intérêts de tous les acteurs qu'il envisage d'impliquer.

Le principe du « bac à sable » consisterait en effet à établir un environnement virtuel, dans lequel seraient assemblés des données et des solutions technologiques, fournies par ses différents membres et partenaires. Ainsi armés, les entrepreneurs pourraient alors concrétiser leurs idées plus rapidement et accélérer leurs cycles de développement. Les institutions financières y trouveraient également leur compte grâce à la démultiplication des opportunités de co-innovation que procurerait l'ouverture de leurs ressources.

Un deuxième avantage d'un dispositif commun, dont l'enjeu est potentiellement colossal pour la place de Londres, serait sa possible capacité à fédérer l'écosystème de la finance (acteurs historiques et émergents confondus) autour de projets de place, tels que la gestion d'identité numérique, la lutte contre la fraude, la supervision des algorithmes d'intelligence artificielle…, dont on ne peut espérer raisonnablement qu'ils aboutissent rapidement si les efforts sont dispersés et produisent des solutions hétérogènes.

Naturellement, la démarche proposée risque de froisser les banques, pour lesquelles la proposition de valeur est susceptible de paraître déséquilibrée, puisqu'elles seraient vraisemblablement les principales pourvoyeuses de données, au profit de concurrents potentiels. Si elles ne parviennent pas à apprécier à sa juste mesure le retour qu'elle peuvent espérer sur un modèle d'innovation ouverte, il ne restera qu'au régulateur à leur donner un coup de pouce comme il en a le secret (vu à l'œuvre avec l'initiative midata).

Le « bac à sable » est encore loin du déploiement et bien des obstacles ralentiront certainement sa mise en place. Quoi qu'il en soit et même dans son état présent de simple concept, il constitue une arme supplémentaire dans l'armada britannique visant à défendre la place de numéro 1 de la FinTech qu'a acquise la ville de Londres. Et elle présente des arguments extrêmement convaincants aux entrepreneurs…

Appel à commentaires Innovate Finance

dimanche 19 février 2017

Offre bancaire différente pour clients différents

Barclays
Tandis que le monde change autour de nous, dans de multiples dimensions, les banques sont constamment mises au défi d'adapter leurs modèles séculaires aux nouvelles réalités. Parmi celles-ci, l'évolution des approches de l'emploi s'avère particulièrement difficile à appréhender. Barclays est une des premières à s'y attaquer…

Historiquement, la relation avec les institutions financières repose pour une large part sur la domiciliation d'un salaire fixe. Encore régulièrement exigée pour l'ouverture d'un compte courant, cette condition devient (presque) impérative pour espérer obtenir un crédit immobilier. Le niveau de rémunération de l'emprunteur est alors le critère principal utilisé pour fixer le montant maximal du prêt et plafonner sa capacité de remboursement. Conséquence, une personne sans revenu stable est (plus ou moins) exclue.

Si les occurrences de ce genre étaient jusqu'à récemment, sinon rares, du moins cantonnées à quelques cas relativement bien maîtrisés (professions libérales, artisans, CDD…), elle deviennent maintenant beaucoup plus fréquentes et, surtout, correspondent à des situations extrêmement diverses, entre le chauffeur Uber et le fondateur de startup, par exemple. De plus en plus de personnes étant concernées, les banques n'ont d'autre choix que d'adapter leurs offres à ces clients qu'elles considèrent atypiques.

C'est donc ce que tente de faire, plutôt timidement pour l'instant, Barclays au Royaume-Uni, en abordant une frange spécifique de population : les entrepreneurs de secteurs de forte croissance. Concrètement, sa nouvelle offre de crédit hypothécaire prend en compte, au-delà des salaires (peu représentatifs de leur situation globale), les revenus de leurs investissements et ceux qu'ils tirent de leur propre entreprise, intégrant ainsi dans l'évaluation de leur capacité d'emprunt des sources de profits plus incertaines.

Bien sûr, on est encore très loin, ici, de l'inclusion financière des modèles d'emploi alternatifs, d'autant que l'initiative émane de la banque privée de Barclays et qu'elle ne s'adresse donc qu'à des clients préalablement identifiés comme possédant un patrimoine. Ce choix présente cependant l'avantage de permettre un « filtrage » manuel et individualisé (car ciblant un faible nombre de bénéficiaires potentiels), grâce auquel une démarche expérimentale est probablement plus simple à mettre en œuvre.

Rapidement, les banques devront apprendre à gérer des populations aux profils variés, pour lesquelles leurs vieux standards sont inapplicables. Pour ce faire, il leur faut identifier les tendances émergentes de l'emploi et réfléchir aux critères spécifiques à chacune d'elles, qui leur fourniront la mesure de risques dont elles ont besoin pour remplir leur rôle tout en continuant à respecter leurs normes de sécurité. À défaut, de nouveaux acteurs arrivant sur le marché avec des solutions de niche capteront les opportunités…

Barclays pour les entrepreneurs

samedi 18 février 2017

Kevin, le chatbot qui assure !

Kevinsured
Chatbot, blockchain, économie du partage, réseaux sociaux… toutes ces tendances à la mode rassemblées pour créer une assurance d'un nouveau genre ? Il serait facile de croire à un débordement de communicant sous acide… Pourtant, Kevin réussit parfaitement cette alchimie et parvient à délivrer une promesse tout à fait convaincante.

L'ambition de cette solution originale – conçue grâce à une collaboration entre une jeune pousse spécialiste de la réputation sociale, Traity, et un grand groupe d'assurance australien, Suncorp – est d'offrir une couverture sur les transactions commerciales entre particuliers, notamment sur les sites de petites annonces, quels qu'ils soient. Comme il arrive souvent, une mésaventure personnelle d'un des fondateurs de la startup, victime d'une fraude lors de l'achat d'un PC, est à l'origine de l'idée.

En pratique, le parcours de l'utilisateur se déroule en quelques étapes simples. Tout d'abord, l'une des parties de l'échange, préalablement inscrite, interpelle le chatbot Kevin sur Facebook Messenger et décrit, le plus précisément possible, les termes de l'opération à assurer. Le service répond avec une proposition de « contrat », sous la forme d'un lien qui va être utilisé pour identifier la contrepartie : l'accès aux profils sociaux (Facebook, a priori) des deux personnes concernées permet de valider leur « fiabilité ».

Une fois l'accord conclu, Kevin demandera aux parties, au terme de la transaction, si elles sont satisfaites de son déroulement, à travers un système de notation par étoiles (qui permet, incidemment, d'alimenter les algorithmes d'évaluation des risques). Naturellement, en cas de litige – vol, fraude, contrefaçon, fausse représentation…, signifié par une note minimale –, une procédure de dédommagement est initiée. En synthèse, nous nous trouvons ici face à une véritable solution d'assurance par réputation.

Accueil Kevinsured

Au-delà de son produit, Traity a également imaginé un mécanisme destiné à instaurer auprès des consommateurs la confiance qui fait la force des assureurs traditionnels. Chacun d'entre nous est prêt à payer une prime à une compagnie pour couvrir un risque parce que nous avons la certitude d'être indemnisé lorsque survient un sinistre (et des contrôles réglementaires le vérifient régulièrement). Comment un petite entreprise inconnue, sans références, peut-elle espérer convaincre ses clients de sa solvabilité ?

La méthode employée pour ce faire est finalement très simple, exploitant la capacité de la blockchain (du bitcoin) à jouer un rôle d'intermédiaire de confiance logiciel. Ainsi, outre que les polices d'assurance y sont elles-mêmes enregistrées, à fins d'horodatage, chacune d'elles s'accompagne de l'achat par Kevin de l'équivalent en crypto-devises de 10% du risque couvert (pour un risque réel estimé à 1%). Ce dépôt est revendu à l'échéance mais, entre temps, tout un chacun peut vérifier sur le grand livre du bitcoin la présence des réserves nécessaires au respect des engagements de la société.

Tout cela n'est, pour l'instant, qu'une expérience. L'assurance proposée est entièrement gratuite, pour une protection limitée à 100 dollars, et les déclarations de sinistres sont traitées manuellement (quelle révolution si le processus était automatisable !). Même le recours au chatbot n'est considéré que comme un premier pas. Par ailleurs, ses concepteurs ne font pas mystère de ses limitations actuelles. Mais ils posent les bases d'une réflexion sur ce que peut devenir l'assurance dans le monde de demain.

vendredi 17 février 2017

L'innovation peut-elle être automatisée ?

LSE Business Review
Dans la série des métiers à forte valeur ajoutée potentiellement menacés par les progrès de l'intelligence artificielle, un article de la revue de la « London School of Economics » aborde les possibilités d'automatiser l'innovation ouverte. Derrière les solides arguments avancés par ses auteurs, cette hypothèse est-elle sérieuse ?

Le raisonnement part d'un constat de semi-échec sur le marché des plates-formes d'innovation ouverte : entre des idées produites rarement disruptives et une difficulté à transformer un concept en projet concret, leurs résultats sont généralement mitigés. On pourrait arguer que cette observation porte sur un périmètre réduit, faiblement représentatif. La réalité la confirme pourtant plus largement. Quels que soient les outils et méthodes employés, le recours à la foule ne produit (presque) jamais de miracles.

Face à cette situation, il est donc aisé d'imaginer un scénario dans lequel un « robot » assume les tâches d'innovation ouverte. Il commence par écouter et analyser la demande de l'utilisateur, à partir de laquelle il identifie, grâce à un accès aux données de l'entreprise, les causes originelles du problème à résoudre. Il va ensuite pouvoir formuler sa recherche et parcourir le web afin de trouver des éléments de solution (dans la presse, les bases de brevets, les publications des startups…). Enfin, il ne lui restera(it) qu'à assembler l'information collectée pour apporter une réponse à la question posée.

Alors, l'innovation n'a-t-elle plus besoin d'innovateurs ? Ce serait aller un peu vite en besogne… Il est tout à fait vraisemblable que, à court ou moyen terme, des algorithmes intelligents pourront dérouler les étapes de captation d'idées jusqu'à la mise en forme d'un plan plus ou moins cohérent pour une implémentation. À ce stade, il n'est cependant pas encore question de l'exécution. Or le passage d'un concept – même défini rigoureusement – à la pratique reste la phase la plus difficile de l'innovation.

Surtout, la vision proposée cible uniquement la partie « facile » de l'innovation, celle qui part d'une difficulté bien identifiée, à laquelle il sera possible de remédier par une évolution incrémentale, dont les composantes sont probablement déjà disponibles quelque part en ligne, prêtes à être repérées par un automate. En revanche, envisager d'appliquer les mêmes recettes pour créer un produit ou service entièrement nouveau, répondant à un besoin non exprimé, ne me semble pas réaliste à brève échéance.

Ce qui ne veut pas dire qu'une partie de cette démarche n'est pas automatisable. Par exemple, l'analyse des attentes latentes des consommateurs, notamment sur les réseaux sociaux, ou la détection de tendances (technologiques ou comportementales) peuvent certainement être assistées à grande échelle par des logiciels. Mais un peu d'intelligence et de créativité humaines sont encore nécessaires – pour l'instant ! – pour transformer ces bribes d'information en innovations susceptibles de rencontrer le succès.

Innovation

jeudi 16 février 2017

Une livre de Liverpool dopée au bitcoin

Colu
La livre de Liverpool, lancée par une association de soutien au commerce indépendant de la cité, n'est certes qu'une monnaie locale comme il en existe déjà dans de nombreuses communautés. Elle est cependant une des premières à adopter une infrastructure entièrement numérique reposant sur la blockchain du bitcoin.

À l'instar des autres initiatives du genre, de la vénérable livre de Brixton au Coopek français que j'ai découvert plus récemment, celle de Liverpool porte l'ambition de promouvoir une économie de proximité, en instaurant une monnaie n'ayant cours que dans un périmètre restreint. À l'ère « digitale », celle-ci prend naturellement la forme d'un porte-monnaie mobile, offrant une palette de services étendue, du paiement en boutique aux échanges d'argent entre particuliers, en passant par un annuaire des commerçants.

Peut-être faut-il préciser à ce stade que la livre de Liverpool n'est pas réellement une nouvelle monnaie : en pratique elle n'est qu'une incarnation « digitale » de la livre sterling et ce n'est que par sa « mue » dans une application mobile qu'elle devient locale. Est-il utile d'ajouter qu'elle s'inscrit dans le cadre réglementaire britannique ? Elle fait également partie de la guilde des devises indépendantes, qui rassemble les acteurs du pays et vise à développer la notoriété de leur action auprès de la population.

La livre de Liverpool

Dans ses fondations, la livre de Liverpool constitue le premier déploiement opérationnel de la solution d'une startup israélienne, Colu. Et celle-ci présente donc la particularité de reposer sur une infrastructure de « pièces teintées » (« colored coins », dont les fondateurs de la société font partie des concepteurs originels), permettant d'utiliser la blockchain du bitcoin pour la gestion de différents types d'actifs. Ce choix original offre ainsi tous les avantages d'un socle technique existant, robuste et éprouvé.

Le premier de ceux-là se situe au niveau des coûts, non seulement par la mise en œuvre d'un écosystème financier nativement numérique mais également par l'élimination d'intermédiaires, tels que les banques, dans l'exécution des transactions. Conséquence directe, les paiements et autres transferts réalisés avec la livre de Liverpool sont entièrement gratuits. Seul un abonnement mensuel fixe de 25 livres est facturé aux commerçants participants (qui n'ont besoin que d'un smartphone pour l'encaissement).

Sans s'attarder sur la robustesse et la sécurité intrinsèques d'une blockchain publique, Colu met en avant un argument plus inattendu pour vanter les mérites de son application : l'immutabilité et la transparence du livre de comptes qu'elle gère de la sorte pour le compte de ses utilisateurs en font un atout vis-à-vis du régulateur, notamment en matière de lutte contre le blanchiment et autres fraudes…

En marge des invraisemblables délires qu'engendre la technologie de la blockchain (je pense, par exemple, au pur fantasme des dizaines de milliards qu'elle serait censée faire économiser aux banques), il est rassurant de voir encore émerger des solutions pragmatiques, basées sur des fondations solides (celles du bitcoin, notamment), mises au service de cas d'usage concrets, immédiats et porteurs de valeur effective…

mercredi 15 février 2017

Pour Gartner, l'information est un actif à valoriser

Gartner
Dans un sens, il s'agit déjà d'une réalité pour les géants du web et Gartner prédit que, d'ici à 5 ans, il en sera de même dans tous les secteurs économiques : à l'aube de l'âge de l'information, les données de l'entreprise seront valorisées au même titre que ses autres actifs. Il devient donc urgent d'apprendre à en maximiser le potentiel.

Le raisonnement apparaît comme une évidence. Tous les indices convergent aujourd'hui pour faire de l'information détenue une source de richesse – directe ou indirecte – des organisations, notamment à l'occasion de leur mutation « digitale », dont elle est une composante essentielle. Il est donc parfaitement logique que les ressources qu'elles possèdent – qui comprennent autant des données que les moyens de les exploiter – soient intégrées dans les valorisations calculées par les analystes financiers.

Les premières manifestations de cette tendance sont visibles depuis quelque temps, bien que de manière informelle. Ainsi, les entreprises ayant, entre autres, nommé un CDO (« Chief Data Officer »), formé des équipes de « data science » ou engagé des initiatives transverses de gouvernance de la donnée, atteignent des ratios de capitalisation supérieurs à la moyenne. Naturellement, avant une généralisation de cette pratique, il faudra parvenir à établir une mesure objective de cette nouvelle forme de capital.

Même en admettant, avec les analystes de Gartner, que les tentatives initiales se contenteront d'évaluer les capacités techniques des entreprises en relation avec les opportunités qu'offre leur modèle d'affaires de capturer de l'information et en tirer parti, la tâche ne sera pas aisée. Pourtant, il faudra rapidement passer à une autre dimension, offrant plus de précision sur les volumes, la diversité, la profondeur, la qualité des actifs considérés. Les futurs rapports annuels promettent d'être instructifs !

À terme, peut-être faudra-t-il encore affiner les analyses, car les données n'ont pas (ou très peu) de valeur intrinsèque. Celle-ci dépend en effet majoritairement des facultés de l'organisation à exploiter la matière première. Or la manière dont elle est conservée et gérée joue un rôle critique dans ce domaine : l'information enfouie dans un système hermétique n'aura clairement pas la même valeur que celle qui est d'emblée mise à disposition de toutes sortes d'applications, à travers une plate-forme ouverte…

Que la prédiction de Gartner se concrétise ou non – après tout, la valorisation financière ne fait (en principe) que refléter la santé réelle d'une entreprise –, ses implications devraient être sérieusement prises en compte. Le cabinet suggère, pour ce faire, de désigner un CDO. Le plus important est cependant de définir une véritable stratégie de valorisation de l'information, à l'échelle de l'entreprise, qui couvre les différents aspects du sujet : collecte, conservation, protection, administration, utilisation, monétisation.

Actifs numériques

mardi 14 février 2017

Co-créer la banque de demain, littéralement

BBVA
On ne compte plus les concours d'idées organisés par les banques du monde entier, qui pour développer de nouvelles fonctions à intégrer dans une application mobile, qui pour imaginer des solutions d'analyse intelligente de données… Mais avez-vous déjà vu les internautes mis au défi de concevoir un nouveau modèle économique ? C'est l'appel international inédit que lance BBVA cette semaine…

Même si les enjeux « digitaux » sont bien inscrits en filigrane dans ce challenge, il ne s'agit pas de créer une application mobile ou un service web. La question posée à la foule est résolument bancaire et touche directement à la stratégie de l'établissement : « dans un environnement compliqué de taux d'intérêt historiquement bas, quels modèles d'affaires feront sens, autant pour la banque que pour ses clients ? ». Il n'est même plus question des produits financiers, la créativité ne se voit imposer aucune limite !

Naturellement, le thème abordé est en ligne avec l'actualité – brûlante – du secteur : la source principale de revenus des banques de détail, reposant sur l'écart entre rémunération des dépôts et coût du crédit, se tarit quand les taux tendent vers 0. Les analystes de BBVA, comme beaucoup de leurs collègues, considèrent que les niveaux actuels seront durables, aussi faut-il trouver une solution qui permette à la banque de continuer à gagner de l'argent, sans compter sur un retour à la situation antérieure.

BBVA Open Talent Ideas

Or, en la matière, comme on l'a vu en France depuis fin 2015 avec la hausse quasi universelle des frais de tenue de compte, les institutions financières font preuve d'une capacité d'inventivité singulièrement limitée. Pour leur défense, il faut admettre que les circonstances actuelles sont exceptionnelles et qu'il n'est jamais facile d'improviser une autre approche de la banque au moment où se trouve soudainement remis en cause un mode de fonctionnement pluri-centenaire, ancré au plus profond des habitudes.

C'est la raison pour laquelle l'organisation d'une compétition publique est doublement astucieuse : en l'absence de réponse magique immédiate au défi qu'elle doit affronter, BBVA n'a rien à perdre à tenter cette expérience, même si elle semble extrêmement ambitieuse (car abordant un domaine hautement spécialisé), tout en essayant de la sorte, autant que possible, de mettre à profit les éventuelles approches décalées de participants qui seraient totalement étrangers au secteur financier et à ses conventions.

Soyons réalistes : les chances de BBVA de capturer une idée géniale sur un sujet aussi complexe à travers un challenge ouvert sont minces (mais sait-on jamais ?). En revanche, peut-être une immersion dans l'ensemble des propositions collectées permettra-t-elle aux équipes internes de la banque de prendre du recul sur les pratiques historiques du secteur et d'alimenter ainsi leurs propres réflexions (qui se poursuivent probablement, en parallèle). Les suites de cette initiative seront à coup sûr passionnantes à observer…

lundi 13 février 2017

Les véhicules autonomes anglais seront assurés

Gouvernement britannique
Le Royaume-Uni était déjà le siège de la première tentative d'un assureur de proposer une police dédiée aux véhicules autonomes. Son gouvernement sera probablement aussi le premier à légiférer en la matière. Fidèle à ses habitudes, l'objectif de sa future réglementation sera de garantir un environnement favorable à l'innovation.

La prise de conscience de l'importance de préparer le pays à l'irruption rapide de nouvelles générations d'automobiles, entre systèmes d'assistance à la conduite de plus en plus élaborés et véhicules entièrement autonomes, date de 2015. Dans un premier temps, le régulateur a voulu confirmer que les textes en vigueur permettaient les expérimentations, après quoi il a publié un « code de pratiques » destiné à expliciter les règles applicables aux entités désireuses de réaliser des tests.

Une deuxième phase a été initiée au milieu de l'année dernière afin de déterminer les possibles freins à une adoption des véhicules autonomes par le grand public et les entreprises, puis d'identifier les meilleures réponses à leur apporter. Pour ce faire, une consultation publique a été menée à partir de propositions concrètes. Le résultat de celle-ci, accompagné d'une révision du corpus de mesures initial, vient donc d'être révélé. Un des principaux enjeux adressés par le document [PDF] concerne l'assurance…

Pas de surprise ici : la question de la prise en charge et l'indemnisation des victimes d'accidents est une préoccupation légitime – et parfois polémique – de toutes les parties prenantes. Sachant que la doctrine britannique repose sur l'assurance du conducteur du véhicule (par opposition aux juridictions où la couverture porte sur le véhicule lui-même), une prise de position claire et ferme est indispensable pour établir un climat de confiance quand l'humain peut céder, partiellement ou totalement, le volant à un algorithme.

La première conclusion, qui devrait être débattue sous peu au parlement, consiste à intégrer les risques de la conduite autonome ou assistée dans le champ d'application de l'assurance obligatoire actuelle (le conducteur étant considéré comme un passager dans ces circonstances). Ce choix implique que la compagnie d'assurance prend en charge l'indemnisation des victimes « innocentes », charge à elle de se retourner contre le constructeur pour rechercher la responsabilité en défaillance de son « produit ».

La démarche est une nouvelle démonstration du pragmatisme réglementaire britannique. Face à une tendance majeure, présentant des défis conséquents, le législateur cherche à maintenir un équilibre délicat entre préservation de l'intérêt public et stimulation de l'innovation (et, par incidence, de l'activité économique). Alors, il s'efforce d'abord de réagir à la vitesse du monde contemporain, de manière à capturer toutes les opportunités qui se présentent, en sachant que les règles ne sont pas figées et qu'elles évolueront avec la maturité. Les gouvernements aussi doivent devenir agiles…

Pod autonome de Catapult

dimanche 12 février 2017

USAA ouvre un studio de design

USAA
Parce que la qualité de service est désormais la clé de la satisfaction des clients et de la différenciation concurrentielle, parce que l'expérience utilisateur en est le pilier et parce que le design est la discipline qui permet d'atteindre l'excellence en la matière, USAA vient d'inaugurer un studio spécialisé, qui emploiera 120 collaborateurs, à terme.

Elles sont nombreuses, les institutions financières qui affirment placer leurs clients au centre de leurs préoccupations. Elles sont pourtant bien rares, celles qui concrétisent cette promesse en concevant leurs solutions à partir des besoins des consommateurs et non en pensant d'abord à leurs produits et services. Parmi celles-là, USAA considère donc – comme BBVA avant elle, quand elle procédait à l'acquisition de Spring Studio – qu'il est essentiel de renforcer ses compétences en design pour réussir.

Son nouveau studio a vocation à intervenir dans toutes les dimensions de l'expérience utilisateur. Les interactions à distance, à travers les applications web et mobiles, sont évidemment au premier plan de son domaine d'intervention : la clientèle d'USAA comprenant des membres des forces armées basés aux quatre coins du monde, elles sont primordiales pour son activité. Mais la relation en agence entre également dans son périmètre, tout comme les outils mis à la disposition des collaborateurs.

Dans tous les cas, son rôle sera de garantir que les services proposés aux clients et aux employés sont accessibles, intuitifs (jusqu'à devenir « invisibles »…) et, surtout, ajustés au mieux à leurs attentes et aux tâches qu'ils ont à accomplir, ce qui induit logiquement une contribution à la rationalisation des processus de l'entreprise. Pour ce faire, les méthodes mises en œuvre sont relativement classiques, à base d'empathie dans l'analyse des comportements, afin d'identifier les besoins profonds des utilisateurs.

Le design est une des composantes déterminantes de la banque « digitale », hélas trop souvent négligé derrière le développement logiciel. Il est en effet dangereux d'oublier que la technologie n'est pas un objectif en soi : il faut toujours se souvenir qu'elle doit être mise au service d'une finalité. La création d'un studio dédié n'est peut-être pas la seule solution possible pour remettre le client au centre des projets, mais elle offre l'avantage de la visibilité, qui oblige tout le monde à prendre en compte le message qu'elle porte…

Inauguration du studio de design USAA

samedi 11 février 2017

De la technologie dans les comités exécutifs…

McKinsey Insights
Voilà une intéressante réflexion que celle de McKinsey à propos des entreprises qui déclarent être désormais des acteurs technologiques, dont l'activité serait fondée sur le logiciel : leurs dirigeants et, plus généralement, leurs cadres ont-ils les compétences nécessaires pour transformer une tendance inéluctable en réalité effective ?

Aux côtés de GE, cité par le cabinet de conseil, ou de constructeurs automobiles dont les applications embarquées comptent plus de lignes de code informatique que les systèmes d'exploitation modernes (au moins dans le cas de Tesla), les institutions financières figurent parmi les plus promptes à affirmer qu'elles sont, par nature (ou celle de leur matière première, l'argent, qui n'est qu'information), des sociétés de haute technologie dont l'ambition devient, en la matière, d'égaler l'excellence des géants du web.

Pourtant, derrière cette façade, ont-elles à leur tête, dans leurs comités exécutifs, dans leurs directions opérationnelles… des personnes possédant une expérience concrète du logiciel et de ses pratiques ? Comment peuvent-elles croire se transformer en championnes de la technologie quand les professionnels capables de comprendre les clés de cette industrie et d'appréhender les changements qu'elle vit quotidiennement sont relégués au fond des organigrammes, 3 à 5 niveaux hiérarchiques sous le sommet ?

Du point de vue de McKinsey, l'enjeu porte sur différents plans, à la fois stratégiques et opérationnels. Par exemple, la définition d'une vision à long terme requiert une perception intime non seulement des évolutions des comportements des clients et des collaborateurs mais aussi (et concomitamment) du rôle des spécialistes de l'expérience utilisateur dans le cycle de vie des produits. Surtout, certains choix techniques deviennent maintenant des décisions qui engagent directement l'avenir de l'entreprise.

La migration des applications vers un « cloud » public (et lequel ?), l'adoption d'une architecture de micro-services, la mise en œuvre de démarches agiles, d'approches de type DevOps (voire BizDevOps)… ne sont quelques-unes des grandes options disponibles aujourd'hui, qui sont laissées à l'appréciation de responsables intermédiaires. Plus haut dans la pyramide, elles ne sont, au mieux, que de vagues et obscurs concepts, alors qu'elles constituent les fondations de l'activité future, autant que l'est l'édification d'une nouvelle usine pour un constructeur automobile.

Par coïncidence (et non pour stigmatiser tel ou tel établissement), l'annonce, cette semaine, du plan de développement de BNP Paribas à l'horizon 2020 me donne une opportunité concrète d'éclairer les dangers inhérents aux structures dirigeantes actuelles des banques. Au cœur du programme figure ainsi une enveloppe de 3 milliards d'euros consacrée à la transformation « digitale », répartie sur 5 axes principaux : nouveaux parcours client, évolution du modèle opérationnel, adaptation des systèmes informatiques, utilisation des données au service du client et modernisation des méthodes de travail.

Sur le principe, il n'y a rien à redire à ces orientations, elles correspondent sans le moindre doute aux exigences du moment. Mais comment sont-elles déclinées, en pratique ? Qui détermine les budgets (à commencer par les 3 milliards) et comment seront-ils affectés ? Comment garantir que l'alignement stratégique sera tenu au cours du déroulement du plan ? Consultons la composition du comité exécutif de la banque : combien, parmi ses membres, possèdent une expérience technologique ? A priori, aucun.

Peut-être certains d'entre eux ont-ils une sensibilité numérique marquée. Mais leur suffit-elle à prendre conscience des défis à relever pour atteindre l'objectif fixé pour 2020 ? Prennent-ils, notamment, la mesure du handicap fondamental que représentent les systèmes informatiques historiques sur le chemin vers la banque « digitale » ? Si tel était le cas, ils se rendraient probablement compte que les sommes allouées à la transformation sont terriblement insuffisantes (même sans envisager de « big bang »)…

Si l'ambition des grandes entreprises est d'égaler la performance technologique des géants du web, elles doivent en intégrer toutes les composantes, en particulier dans leurs instances dirigeantes. Alors que, jusqu'à présent, ces dernières pouvaient se satisfaire d'une expérience du métier teintée de quelque connaissance du logiciel, les prochaines générations devront impérativement comprendre de véritables spécialistes de l'informatique (possédant également une indispensable connaissance du métier).

PDG numérique

vendredi 10 février 2017

L'agence de demain selon Bank of America

Bank of America
Leur réseau d'agences reste une épine dans le pied de la plupart des banques historiques. Alors, en parallèle des fermetures massives (Société Générale, par exemple, en annonce une centaine pour 2017), les réflexions se poursuivent pour adapter les formats aux usages contemporains : c'est le cas actuellement pour Bank of America.

Le constat est désormais universel. La baisse de fréquentation des agences est de plus en plus marquée partout dans le monde et la nécessité de trouver des solutions à cette tendance inexorable est une priorité parfaitement identifiée dans toutes (ou presque ?) les institutions financières. Cependant, l'exercice s'avère complexe, non seulement par l'étendue de ses répercussions, mais également par le double défi que représente la gestion d'une transition en douceur vers une cible encore très incertaine.

Depuis longtemps, une des pistes les plus fréquemment explorées en la matière consiste à faire évoluer les formats des points de vente. C'est donc sans surprise que, dans le sillage de nombre de ses consœurs, Bank of America se lance dans cette direction. Elle retient, toutefois, une approche qui pourra paraître radicale, puisque les 3 premières instances de ce qu'elle présente comme son « agence du futur » sont entièrement automatisées, la seule présence humaine y étant celle d'un « ambassadeur digital ».

Ce dernier ne constitue pas réellement une révolution pour la banque : ils sont déjà 3 500 à accueillir les clients (y compris dans les agences « traditionnelles ») et à les assister dans l'utilisation des outils mis à leur disposition. Dans les nouveaux lieux, ils accompagneront les visiteurs dans l'exécution de leurs opérations sur les différents automates disponibles et dans l'organisation de visioconférences avec des conseillers et autres experts à distance, sur les bornes dédiées installées dans des espaces isolés.

L'objectif de Bank of America est limpide : ces agences déshumanisées (et plus petites) lui permettent d'en réduire les coûts, ce qui devrait les rendre plus facilement rentables en dépit d'un trafic en décroissance. La stratégie soulève tout de même une question essentielle : l'automatisation à outrance répond-elle aux attentes des consommateurs ? Si certains d'entre eux tiennent à une présence physique de leur banque, le besoin de ceux-là est avant tout de pouvoir accéder à un contact humain, qui ne pourra être satisfait.

Enfin, il reste à noter que, contrairement à ce que l'expression implique, ces « agences du futur » ne peuvent être considérées que comme des solutions temporaires à la crise de la fréquentation. En effet, après avoir familiarisé les clients – à leur corps défendant – à l'usage de ses outils, il paraît inévitable qu'ils jugent superflu de se déplacer jusqu'aux locaux de la banque, dans la mesure où les mêmes services seront accessibles depuis leur domicile (ou partout ailleurs, avec des applications mobiles, notamment).

Centre Financier Bank of America

jeudi 9 février 2017

L'IA menace aussi les hauts salaires

Goldman Sachs
Si l'idée se répand que les progrès de l'intelligence artificielle conduiront à la disparition de certains métiers, on imagine souvent que les premiers concernés seront les moins qualifiés. Or des rôles extrêmement bien rémunérés sont également menacés : les anciens « golden boys » des salles de marché commencent à faire les frais de l'automatisation…

Évidemment, le trading algorithmique, désormais bien implanté dans les grandes banques et sur tous les marchés financiers, constitue un candidat naturel à l'évolution vers plus d'autonomie. Après tout, il paraît logique de remplacer les comportements pré-définis des solutions actuelles par des modèles adaptatifs conçus et affinés continuellement par apprentissage automatique, à la pointe de la « data science ». Et certains des quants historiquement chargés de ces tâches devront se recycler.

Vous pensez que cette hypothèse est encore lointaine, voire farfelue ? Détrompez-vous, elle correspond déjà à la réalité d'une startup telle que Sentient Technologies. Celle-ci a travaillé 10 ans (en secret) à mettre au point son système d'intelligence artificielle (appliqué aussi à d'autres secteurs, dont le e-commerce). Elle lui a maintenant confié la gestion, en totale autonomie, d'un fonds alternatif (« hedge fund »). Seul un bouton « panique » permet à une personne de le débrancher, en cas de catastrophe.

Un des co-fondateurs de l'entreprise exprime son point de vue sans détours : l'humain est trop émotionnel pour les marchés. Il préfère donc recourir à des robots, qui sont d'autant plus à l'aise qu'ils disposent d'une masse d'informations gigantesque pour opérer leur « magie ». En pratique, Sentient déploie des millions de traders virtuels auto-apprenants (nommés « gènes »), qui expérimentent leurs stratégies sur des données historiques à la vitesse de la lumière. Ceux qui échouent sont « tués », tandis que ceux qui passent le test sont promus sur les marchés réels, où, de plus, ils poursuivent leur apprentissage.

La gestion spéculative n'est cependant pas la seule concernée. Ainsi, selon un article de la MIT Technology Review, en moins de 20 ans, le « floor » actions du siège de Goldman Sachs à New York est passé de 600 opérateurs de marché, prenant en charge les achats et ventes de titres pour le compte de grands clients, à… 2 traders, et une équipe de 200 informaticiens. Entre temps, il est est devenu possible d'automatiser la tarification, relativement simple, de ces produits. Les dérivés sont maintenant en ligne de mire…

Dans un registre toujours plus ambitieux, les dirigeants évaluent en outre les opportunités de mettre en œuvre l'intelligence artificielle dans la banque d'investissement. Le domaine reposant traditionnellement sur des qualités de vendeur et de relations humaines, il n'est pas question, à court terme, de faire disparaître entièrement les collaborateurs concernés. Mais une bonne part des étapes d'un processus d'introduction en bourse, par exemple, sont identifiées comme potentiellement automatisables.

La principale motivation de ces différentes initiatives est, naturellement, économique. Considérant que leur salaire moyen (primes comprises) dépasse les 500 000 dollars, la tentation est grande de remplacer les traders par des automates apparemment aussi performants ! L'écart de coût autorise même des investissements conséquents dans le développement des modèles. En arrière-plan, d'autres considérations – la lutte contre la fraude interne, par exemple – entrent peut-être en jeu. Reste que l'opacité des « raisonnements » appliqués soulèvera bien des questions réglementaires et éthiques…

Sentient

Merci à Philippe pour le pointeur vers l'article de Forbes.

mercredi 8 février 2017

EToro étrenne les API de WeSave

WeSave
La démonstration présentée ce matin par eToro à la conférence Finovate cumulait deux annonces d'importance : d'une part, l'introduction d'une place de marché ouverte de fonds d'investissement sur la plate-forme de trading social et, d'autre part, le lancement de WeQuant, la solution de « robo-advisor as a service » de la française WeSave.

Révélés en novembre dernier, les « CopyFunds » offrent de nouveaux instruments financiers aux clients de eToro qui n'avaient accès, jusqu'alors, qu'à des capacités de trading de valeurs individuelles sur différents marchés, en suivant – plus ou moins automatiquement – les conseils et recommandations de leurs pairs. L'ambition est de fournir aux consommateurs un moyen simple d'investir selon les thématiques qui les intéressent, qu'il s'agisse du portefeuille de Warren Buffet ou du secteur des jeux vidéo.

Les produits correspondants sont répartis en 3 catégories distinctes, selon leur origine. La première d'entre elles comprend une collection des meilleurs traders enregistrés sur eToro, dont les stratégies sont ainsi agrégées au sein d'instruments très accessibles. Viennent ensuite les modèles dits de marché, composés autour de thématiques sélectionnées par la startup elle-même et gérés par ses algorithmes. Enfin, une nouvelle section est réservée aux partenaires, qui peuvent proposer là leurs propres solutions.

L'un de ceux-là est donc WeQuant, avec, pour l'instant, un seul « CopyFund », baptisé AlphaCore et reposant sur une allocation (principalement en ETF) à risque modéré, de long terme, mais aussi susceptible de capter des opportunités de marché. La conséquence immédiate de cette intégration est d'exposer la gestion automatisée du robo-advisor hexagonal aux plus de 5 millions d'utilisateurs inscrits – provenant du monde entier (140 pays sont représentés) – que compte actuellement la plate-forme.

WeQuant

Derrière la collaboration avec eToro, WeQuant constitue une autre approche de distribution pour WeSave, complémentaire de son modèle direct initial, consistant à publier sous forme d'API (« interfaces de programmation applicative ») les stratégies d'investissement automatisées mises au point par son équipe de gestion quantitative. Ainsi armés, les partenaires de la jeune pousse disposeront de ces algorithmes sous forme de services, faciles à intégrer, pour gérer les portefeuilles de leurs clients.

Avec cette nouvelle solution, WeSave peut naturellement espérer développer sa présence auprès d'une clientèle plus large et plus diversifiée. En parallèle, WeQuant lui permet également de capitaliser sur sa plate-forme technique pour déployer une autre génération, beaucoup plus riche et élaborée, de modèles quantitatifs que ceux qui motorisent ses produits actuels (contrats « simples » d'assurance vie ou de capitalisation). Ces fonds personnalisés sont, d'une certaine manière, un retour aux sources pour l'entreprise…

En guise de conclusion, je souhaite revenir sur le principe des plates-formes fédératrices, qui tend à envahir ce blog, notamment ces derniers jours. En effet, WeQuant en est un avatar supplémentaire, ouvrant la voie, pour les acteurs de l'agrégation de services, à l'intégration (rapide) d'une offre d'investissement automatisée (N26 en ayant déjà une). Décidément, ma prédiction du nouvel an – 2017 sera l'année des plates-formes ! – est en bonne voie de se concrétiser, à une vitesse que je n'avais pas anticipée !

Transparence : je fais partie (bénévolement) de l'« advisory board » d'Anatec (WeSave).